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Tastecamp Québec, tome 1

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Vieilles vignes au Vignoble du Marathonien

Difficile de savoir par où commencer et dans quel ordre vous présenter le compte rendu de trois jours de visites intensives de domaines viticoles québécois de l’Estrie, de la Montérégie et des Laurentides et Lanaudière. Quand en plus s’y sont joints quelques intrus d’autres régions et des producteurs de bières et différents alcools de fruits et miel.

Voilà en gros le programme de la dernière édition du Tastecamp, cette espèce de road trip que se paient chaque printemps un groupe de blogueurs vins assoiffés (de découvertes) de l’est nord-américain dans une région viticole de cette même aire géographique.

Si vous me suivez depuis quelques temps, vous aurez lu mes péripéties aux éditions précédentes en Virginie et à Niagara.

Voilà, cette année, c’était chez nous.

J’enchaine ici avec le récit des jours un et trois de notre périple, soit la région d’Hemmingford, à l’extrême sud-ouest du Québec, et Lanaudière, au nord-est de Montréal. À priori aucun lien entre les deux, sinon que nous avons rencontré à chaque endroit une icône du vin québécois.

Vendredi 17 mai

Le temps se faisait gris. Dès notre arrivée au domaine Carone, à Lanoraie, cela sautait aux yeux. Les huit hectares de vigne ont déjà eu meilleure mine. Quelques jours plus tôt, le mercure avait frôlé les cinq degrés sous zéro. Juste avant, plusieurs semaines de chaleur précoce (vous vous en souvenez? C’était en avril. Ce qui s’est approché le plus, jusqu’à maintenant en 2013, d’un été…). Les bourgeons avaient commencé à débourrer. Le froid est venu les brûler. Surtout ceux les plus près du sol, qui ont noirci. Le black frost, explique Carone. Les vignerons du Québec ont été plus ou moins touchés selon leur région. Mais pour Carone c’était la catastrophe ou presque. «J’ai perdu 75 % de mon pinot noir pour cette année. Pour le reste, je ne sais même pas si j’aurai de quoi faire mes cuvées habituelles. Je ferai peut-être un seule cuvée 2013 en assemblant tout ce qui reste, je l’appellerai Black frost», a ironisé le coloré vigneron.

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Anthony Carone et son épouse, Sarah Hoodspith-Carone

Cela ne l’a pas empêché de parler du vin québécois avec la verve qu’on lui connaît. Anthony Carone est assurément le plus bouillant et le plus bruyant des vignerons du Québec. Et celui qui est le plus loin de faire l’unanimité dans cette petite et jeune confrérie. Très actif sur les réseaux sociaux avec son épouse Sarah et son représentant des ventes Félix-Antoine, il y va quotidiennement de coups de gueule contre tout ce qui selon lui nivèle vers le bas la production québécoise. Les Vins certifiés du Québec, régis par l’Association des vignerons du Québec, et leur cahier des charges trop permissif à son avis, en prennent pour leur rhume quand on le lit. Il est d’ailleurs membre de l’autre regroupement de vignerons, soit les Vignerons indépendants du Québec. Il vilipende les producteurs de vins de glace récoltant le raisin cueilli à l’automne mais laissé dans des filets sous la vigne  pendant l’hiver plutôt que de récolter le fruit gelé directement sur la vigne. Il décrie la surutilisation de cépages hybrides moins qualitatifs que les cépages vitis vinifera, plus nobles, qui selon lui, sont viables au Québec moyennant plus de soins. C’est son opinion. En revanche, Carone est aussi un gars d’équipe. Sur les réseaux sociaux, il est toujours le premier à attirer l’attention de tous sur une alerte météo mauvaise pour les producteurs, l’apparition d’une maladie de la vigne, ou à partager ses succès et insuccès pour en faire profiter tout le monde.

Mais au delà de tout ça, ce qui nous intéresse surtout, c’est ce qu’il met dans les bouteilles à l’étiquette noire moderne et aux noms rappelant les origines italiennes de l’homme.

Son Rosso Classico 2011, issu en grande partie des cépages frontenac et cabernet severnyi, un hybride qu’il a dégoté en Russie, est gourmand, frais, fruité, légèrement épicé et pas exagérément boisé. Les tanins sont souples et ne sont pas marqués par cette verdeur qu’on reproche parfois aux rouges québécois. À 18,50$, c’est un très bon achat. Disponible au domaine ou au Marché des saveurs du Québec, dans le Marché Jean-Talon à Montréal.

Passons rapidement sur le Double Barrel, la top cuvée de la maison, issue de cabernet servenyi ayant séjourné en barriques américaines, puis françaises, d’où son nom. Un colosse très boisé et peu subtil. Malgré son amélioration et son raffinement d’année en année, il reste du travail à faire pour justifier son prix, 55 $.

Ce qui est surtout intéressant chez Carone, c’est son travail avec le pinot noir. Un des cépages les plus délicats et les plus difficiles à cultiver. Il a été le premier à en commercialiser au Québec. Jusqu’à maintenant, il l’a toujours assemblé avec un faible pourcentage de cabernet severnyi ou du landau noir, pour lui donner couleur et structure.

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Sur 2010, cela donne un vin au nez de réglisse, de fraise confite, d’épices. La bouche présente une légère acidité, du fruit, des épices. Une belle réussite. Disponible en SAQ pour un prix, 36$, un peu élevé mais qui représente toutes les embuches et le bichonnage nécessaire à sa réussite. Mais si j’étais vous, je surveillerais avec attention l’arrivée prochaine du millésime 2011. En tête à tête, près d’une petite cuve d’acier inoxydable où le pinot 2011 attendait sa mise en bouteille, Anthony m’a confié qu’il se sentait prêt avec ce millésime à laisser le pinot s’exprimer seul. Et qu’il souhaitait ne plus revenir en arrière. On s’en est versé un verre, à même la cuve. Et là, j’ai découvert un pinot d’une élégance que j’ai rarement rencontrée dans un vin rouge du Québec. Certes, il était un peu pâle comparé au Venice des millésimes précédents. Mais la couleur, on s’en fiche. Seul le goût compte. Sage décision que d’abandonner l’assemblage. Et j’ai hâte de voir ce que donnera le millésime 2012, possiblement la meilleure saison de la jeune histoire viticole du Québec.

Dimanche 19 mai

C’est aux antipodes géographiques et philosophiques que se situe le domaine de Jean Joly à Havelock, près d’Hemmingford en Montérégie. Sans faire le moindre bruit, le Vignoble du Marathonien, microscopique domaine de deux hectares, se distingue depuis plus de 20 ans comme un des plus constant au Québec. Contrairement à Anthony Carone, le froid l’avait épargné. Par quelques dixièmes de degrés seulement. Covey Hill, une petite butte sur laquelle son domaine est adossé, l’a protégé du froid.

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Jean Joly, du Marathonien

L’ancien ingénieur chez Hydro Québec a petit à petit  bâti cette entreprise où toute sa famille et belle-famille travaille, en parallèle à son boulot à la société d’État. Et ça aussi, presque personne ne le sait, mais il possède certaines des plus vieilles vignes de cépages vitis vinifera dans la province. Dans un sol caillouteux poussent en effet du merlot et du cabernet franc de près de 20 ans. Il ne vend cette cuvée confidentielle qu’à son domaine en format 375 ml, tant son volume de production est faible. Sur 2011, c’est un vin au nez de fruit noir et de poivron. La bouche joue sur le même registre, est fraîche, épicée et un brin rustique. Hâte de découvrir le 2012.

Jean Joly produit aussi un impeccable petit blanc issu du cépage seyval au nez de fleurs des champs, de pêche blanche et de poire. La bouche est plutôt sur les agrumes amers, citron et lime, avec une légère touche de salinité. Très agréable et rafraichissant, et à 14$ sur les tablettes du monopole, c’est une aubaine. Pour l’apéro, les salades estivales fruitées et légères, les fruits de mer délicats.

Mais le Marathonien, c’est surtout le maître des vins de vendange tardive et de glace, et ce depuis plusieurs années.

Les deux vins sont issus du même cépage, le vidal. La différence entre les deux est simple. La vendage tardive est faite de raisins cueillis par grand froid, mais pas forcément sous les moins dix degrés comme pour le vin de glace. Le premier est le plus accessible avec ses arômes de pêche, d’abricot, d’orange confite, mais surtout sa fraicheur et son acidité qui le rendent très digeste pour un vin doux. Disponible au domaine pour 28$.

Le vin de glace est beaucoup plus riche et opulent. J’y sens le confit de tomate et d’oignon, la pâte de coing, la pêche. En bouche, il y a de la cassonade, de la cannelle, de la pomme cuite sur la finale. C’est encore remarquablement équilibré, mais beaucoup plus massif que le précédent. Un vin à boire avec un dessert aux pommes et aux noix bien sucré, ou avec le foie gras. Notez que ce vin peut se bonifier pendant plusieurs années. Celui-là est disponible en SAQ en deux formats.

Ces deux journées de visite et de dégustation nous ont permis de rencontrer plusieurs autres producteurs et de faire de belles découvertes. Voici quelques coups de cœur!

Vignoble le Chat botté, Hemmingford

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Quelle invitante robe que porte le vin de paille de Normand Guénette, du Chat botté.

Ce jeune domaine travaille surtout à partir de cépages hybrides. Normand Guénette et Isabelle Ricard y produisent avec passion des produits singuliers, notamment un très bon rosé, fruité, simple et gourmand, peu être un brin sucré, à base des cépages frontenac noir et gris, sabrevois et radisson. Mais ce qui démarque le Chat botté, ce sont ses deux vins de paille. L’un issu de frontenac gris, l’autre noir. Le raisin est mis à sécher sur des lits de paille, se concentre donc en sucre et en saveurs. Le goût diffère toutefois totalement de celui du vin de glace, issu lui aussi d’un processus, le gel, qui vise les mêmes objectifs de concentration. Le gris est très épicé, avec des notes de pelure d’orange confite, de confiture de fraise et de poivron. C’est riche, opulent, et à la fois équilibré et frais. Le noir s’exprime plutôt sur des notes de cacao, de mure, de cassis, de résine de sapin, le tout s’équilibrant grâce à une bonne note d’acidité en finale!

La face cachée de la pomme, Hemmingford

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Je crois que le domaine de François Pouliot se passe aujourd’hui de présentation. Premier producteur de cidre de glace au monde, un savoir faire dont lui a fait bénéficier son inventeur Christian Barthomeuf (aujourd’hui propriétaire du Clos Saragnat) au début des années 1990, il est aujourd’hui partenaire du groupe Boisset de Bourgogne, un géant mondial du vin. Nous avons eu droit à une agréable visite du domaine et à une dégustation de nombreux produits. Ce qui est intéressant à la Face cachée, c’est ce rare recul qu’ont les producteurs québécois. La possibilité de goûter des vieux millésimes. La maison produit une panoplie de produits, pour la plupart intéressants, des entrées de gamme aux plus raffinés. Je ne vous les commenterai pas tous, mais vous laisserai avec un tuyau : si la gamme de cidres de glace est exceptionnelle, mon coup de cœur est allé aux pétillants issus de la méthode traditionnelle, particulièrement les plus secs, ceux qui n’ont pas été dosés au cidre de glace! Plusieurs produits de la maison sont disponibles en SAQ.

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Les fameuses giropalettes qui permettent de remuer automatiquement les bouteilles de mousseux en cours de fermentation. À la Face cachée de la pomme.

Les ruchers du Troubadour, Rawdon

Le nom drôlement folklorique du domaine m’a d’abord fait sourire. Puis la dégustation des hydromels de Jocelyn Boulianne m’a convaincu du sérieux de l’affaire. Particulièrement le mousseux issu d’une méthode traditionnelle, et non dosé. Le nez rappelle la cire d’abeille, mais aussi le thé des bois. La bouche est puissante, mielleuse, évidemment, et les arômes de menthe, de basilic et de thé prennent toute la place. C’est forcément un brin sucré, mais en même temps si frais et équilibré. Je n’avais jamais goûté pareille déclinaison du côté des alcools de miel! Disponible au domaine, pour 25$.

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Jocelyn Boulianne et son déroutant hydromel mousseux

Vignoble Mondor, Lanoraie

Un tout jeune domaine, aux premières vignes plantées en 2005 sur une ancienne terre à tabac. Premiers millésimes en 2010. On y produit un rouge intéressant, mais surtout un vin de glace, le Mindel, issu d’une technique rare au Québec, et le sujet fait controverse ces temps-ci : Gaétan Mondor cueille son raisin gelé sur la vigne, et non dans des filets où il a été laissé après la vendange d’automne. Cela fait la fierté de son tapageur voisin de Lanoraie, Anthony Carone! Un vin de glace issu de frontenac donc, au nez de ketchup maison, de pêche bien mure. La bouche est ample, goûte la pêche et la mangue, avec de bonnes notes épicées. Frais et équilibré, très belle réussite! 35$, en vente au domaine.

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Gaétan Mondor produit son vin de glace à la façon des puristes: il récolte son raisin gelé directement sur la vigne.

Vignoble Saint-Gabriel, Saint-Gabriel-de-Brandon

Un petit domaine qui travaille en bio. Un étonnant blanc, Régal d’automne, issu entre autres d’un hybride nommé muscat osceola, qui aurait un lien de parenté avec le muscat que l’on trouve en Europe. D’ailleurs, au nez, avant de savoir que ce cépage inconnu composait ce vin, je me disais qu’on avait là plusieurs caractéristiques du muscat. Un nez floral, mielleux, sur les fruits blancs exotiques. La bouche elle, est tout à l’inverse tendue, vive, fraiche avec une finale bien acidulée et des notes de citron et d’herbes fraiches. Très joli vin d’apéro ou pour accompagner un plateau de crustacés. Vins rouges également intéressants. Vendus au domaine pour une bouchée de pain.

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Très joli blanc au Vignoble Saint-Gabriel!

Ferme Guy Rivest, Rawdon

Voilà des produits avec lesquels je suis moins familier. Les alcools de petits fruits. La Donzelle est un alcool de framboise et fraise fortifié. C’est simple, très fruité comme on peut s’y attendre, rafraichissant et désaltérant. Un apéro original. Il faut passer au domaine pour se les procurer.

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La Ferme Guy Rivest produit des alcools de fruits remarquables.



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